Introduction
Un système embarqué est un dispositif électronique autonome, dédié à une tâche spécifique, intégré directement dans un produit ou un équipement. Contrairement aux ordinateurs classiques, il est conçu pour fonctionner en temps réel, avec des contraintes strictes de fiabilité, de consommation énergétique et de sécurité.
Dans le secteur de l’aéronautique, les systèmes embarqués sont omniprésents : ils pilotent les commandes de vol, gèrent les communications, surveillent les paramètres moteurs, et assurent la navigation. Chaque avion moderne embarque des centaines de systèmes embarqués pour garantir un fonctionnement optimal et sécurisé.
Les enjeux dans ce domaine sont particulièrement critiques. La sécurité est une priorité absolue : une défaillance peut avoir des conséquences catastrophiques. La fiabilité des composants et des logiciels embarqués doit donc être maximale, avec des tests rigoureux et des normes strictes comme la DO-178C pour les logiciels aéronautiques. Le temps réel est également essentiel : les systèmes doivent réagir instantanément aux événements. Enfin, la certification est un processus long et complexe, indispensable pour garantir que chaque système respecte les exigences réglementaires et opérationnelles.
1. Les composants clés d’un système embarqué aéronautique
Les systèmes embarqués dans l’aéronautique reposent sur une architecture robuste et optimisée. Elle est composée de plusieurs éléments essentiels, chacun jouant un rôle dans le fonctionnement global de l’appareil.
• Microcontrôleurs et processeurs embarqués : Ces unités de calcul sont conçues pour fonctionner avec une faible consommation énergétique, tout en garantissant une haute fiabilité. Dans l’aéronautique, on privilégie les architectures redondantes 1, capables de traiter des données critiques en temps réel sans interruption.
QBiP-1505A
• Capteurs : Ils sont les yeux et les oreilles du système embarqué. Les capteurs inertiels (IMU) permettent de mesurer les accélérations et les rotations de l’appareil, essentiels pour la navigation et la stabilisation. D’autres capteurs mesurent la pression, la température, ou encore la position (via GPS ou autres systèmes de localisation), fournissant des données vitales pour le pilotage et la surveillance.
Sonde Pitot qui permet de connaitre la vitesse d’un avion
• Actionneurs : Ce sont les éléments qui traduisent les décisions du système en actions physiques. Dans un avion, cela peut inclure des servomoteurs, des systèmes hydrauliques ou électriques qui contrôlent les gouvernes, les volets, ou les trains d’atterrissage. Leur précision et leur réactivité sont cruciales pour la sécurité du vol.

• Bus de communication : Pour que tous ces composants échangent efficacement, des protocoles de communication spécialisés sont utilisés. Le ARINC 429 est un standard très répandu pour les échanges entre équipements avioniques. Le AFDX (Avionics Full-Duplex Switched Ethernet), plus récent, permet des communications plus rapides et plus sûres, notamment dans les avions de dernière génération.
2. Applications concrètes dans un avion
Les systèmes embarqués sont présents dans presque tous les sous-systèmes d’un avion moderne, assurant des fonctions critiques aussi bien pour le vol que pour le confort des passagers.
• Navigation : C’est le cœur technologique de l’avion. Les systèmes embarqués gèrent la navigation, le pilotage automatique, la gestion du vol ainsi que les communications avec les contrôleurs aériens. Ces fonctions doivent être exécutées avec une précision extrême et une fiabilité absolue, souvent en environnement redondant pour garantir la continuité du service en cas de panne.
• Contrôle moteur : Les moteurs sont surveillés en temps réel par des systèmes embarqués qui régulent la poussée, contrôlent la température, la pression, et détectent toute anomalie.
• Systèmes de sécurité : Les systèmes embarqués jouent un rôle crucial dans la détection d’incendie, la gestion de l’oxygène en cabine, ou encore le déploiement des masques à oxygène en cas de dépressurisation. Ils doivent fonctionner de manière autonome et instantanée, sans intervention humaine.
• Systèmes passagers : Même les fonctions de confort sont pilotées par des systèmes embarqués. Cela inclut le divertissement en vol, le contrôle de l’éclairage, la climatisation. Bien que moins critiques, ces systèmes doivent rester fiables et intuitifs pour améliorer l’expérience utilisateur.
3. Normes et certifications
Dans l’aéronautique, la fiabilité des systèmes embarqués ne repose pas uniquement sur la qualité technique : elle est encadrée par un ensemble de normes et processus de certification extrêmement rigoureux. Ces standards garantissent que chaque composant, qu’il soit matériel ou logiciel, respecte les exigences de sécurité, de performance et de traçabilité.
• DO-178C : C’est la norme de référence pour le développement logiciel embarqué critique dans l’aéronautique. Elle définit les niveaux d’assurance requis selon la criticité des fonctions (du niveau A pour les fonctions vitales, au niveau E pour les fonctions non critiques), et impose des méthodes de vérification, de traçabilité et de tests exhaustifs.
• DO-254 : Complémentaire à la DO-178C, cette norme s’applique au matériel embarqué (circuits électroniques, FPGA, ASIC…). Elle encadre le processus de conception, de validation et de vérification du hardware, avec des exigences similaires en termes de rigueur et de documentation.
• ARP4754 / ARP4761 : Ces deux documents définissent les processus de développement système (ARP4754) et les méthodes d’analyse de sécurité (ARP4761). Ils permettent d’identifier les risques dès la phase de conception, de les atténuer, et de s’assurer que les systèmes embarqués répondent aux objectifs de sécurité globaux de l’avion.
• Traçabilité et tests rigoureux : L’un des piliers de la certification est la traçabilité complète entre les exigences, le code, les tests et les résultats. Chaque ligne de code critique doit être justifiée, testée, et validée. Les tests sont souvent automatisés, mais doivent aussi être revus manuellement pour garantir l’absence d’ambiguïté ou d’erreur.
4. Défis techniques
Concevoir des systèmes embarqués pour l’aéronautique implique de relever des défis techniques majeurs, liés à la nature critique et contraignante de l’environnement aérien.
• Temps réel et déterminisme : Dans un avion, certaines décisions doivent être prises en quelques millisecondes, sans marge d’erreur. Les systèmes embarqués doivent garantir un comportement déterministe, c’est-à-dire produire des résultats prévisibles dans des délais stricts. Une latence imprévue ou un bug logiciel peut compromettre la sécurité du vol.
• Redondance et tolérance aux pannes : Pour assurer une fiabilité maximale, les systèmes critiques sont souvent redondants. Cela signifie que plusieurs unités effectuent la même tâche, prêtes à prendre le relais en cas de défaillance. La tolérance aux pannes est essentielle pour maintenir les fonctions vitales même en cas de dysfonctionnement partiel.
• Sécurité informatique : Avec l’augmentation des communications numériques à bord (Wi-Fi, maintenance à distance, etc.), les systèmes embarqués doivent intégrer des mécanismes de cybersécurité. Protéger les données, empêcher les intrusions et garantir l’intégrité des systèmes sont devenus des enjeux majeurs, notamment face aux risques de piratage ou de sabotage.
• Poids et consommation énergétique : Chaque gramme compte dans un avion. Les systèmes embarqués doivent être légers, compacts et énergétiquement efficaces. Cela implique une optimisation constante du matériel, du logiciel, et des algorithmes pour réduire la consommation tout en maintenant les performances.
5. Vers l’avenir : IA embarquée et avion autonome
L’aéronautique entre dans une nouvelle ère, portée par l’intelligence artificielle embarquée et les projets d’avions autonomes. Ces innovations reposent sur des systèmes embarqués toujours plus puissants, capables de traiter des volumes de données croissants en temps réel, tout en respectant les contraintes de sécurité et de certification.
L’IA permet d’exploiter les données issues des capteurs pour anticiper les pannes, optimiser les trajectoires, ou adapter les paramètres de vol en fonction des conditions météorologiques. Ces algorithmes doivent être embarqués localement, avec des capacités de calcul suffisantes et une latence minimale.
Dans le domaine militaire comme civil, les drones autonomes sont déjà une réalité. Leur fonctionnement repose entièrement sur des systèmes embarqués capables de naviguer, d’éviter les obstacles, de prendre des décisions tactiques ou logistiques sans intervention humaine. À terme, ces technologies pourraient être transposées aux avions commerciaux, avec des niveaux d’autonomie croissants.
Conclusion
Les systèmes embarqués sont les piliers invisibles mais essentiels de l’aéronautique moderne. Ils assurent le bon fonctionnement des avions, depuis les commandes de vol jusqu’aux systèmes de sécurité et de confort, tout en répondant à des exigences extrêmes en matière de fiabilité, de réactivité et de certification.
Les défis ne manquent pas : cybersécurité embarquée, optimisation énergétique, autonomie croissante… L’avenir des systèmes embarqués dans l’aéronautique s’annonce passionnant, à la croisée de l’électronique, du logiciel, de l’IA et de l’ingénierie des systèmes critiques. Si les systèmes embarqués sont les garants de la sécurité aérienne, leur complexité peut aussi être source de vulnérabilités. Dans un prochain article, nous plongerons dans les accidents d’avion liés à des défaillances de systèmes embarqués : bugs logiciels, erreurs de capteurs, défauts de conception… Comment ces incidents ont-ils pu se produire malgré les normes strictes ? Quelles leçons en a tiré l’industrie ?
Sources
https://www.esilv.fr/lingenieur-systemes-embarques-incontournable-dans-lautomobile-et-laeronautique/
https://www.assured-systems.com/fr/faq/what-is-arinc-429/
https://theses.hal.science/tel-01127020/file/2014ESMA0010.pdf
https://www.qse-perf.com/certification-aeronautique/
https://www.ptc.com/fr/blogs/alm/do178c-and-do254-explained
https://www.certaero.com/post/a-quoi-servent-les-arp-4754a-do-178c-do-254-et-autres-standards
-
La redondance dans les systèmes embarqués, notamment en aéronautique, désigne le fait de dupliquer certaines fonctions ou composants critiques afin de garantir la continuité du service en cas de défaillance. ↩︎