Présentation de l’internet par satellite

Aujourd’hui, la majorité des flux internets que nous utilisons proviennent de câbles sous-marins ou enterrés. Cette méthode de transport est très bien adaptée pour des zones urbanisés ayant facilement accès à toutes les ressources nécessaires (humaines ou matérielles). Néanmoins pour des zones plus isolées ou moins développées ces installations sont inaccessibles que ce soit sur le plan financier ou technique. L’internet satellitaire est là pour répondre à ce type de besoin.

Cette introduction a pour but de présenter le fonctionnement globale de l’internet par satellite, qu’il soit classique ou celui de Starlink. De plus elle montrera les potentialités et les limites du modèle de Starlink pour l’internet par satellite.

Le système se décompose en 5 parties:

  • les appareils informatiques
  • le routeur
  • l’antenne satellite
  • le satellite
  • le centre d’opérations du réseau (COR)

L’utilisateur en surfant sur internet via ses appareils informatiques va envoyer une requête via son routeur. Ce routeur au lieu d’envoyer la requête via de l’ADSL ou une fibre optique va la transmettre à une antenne satellite présente chez le client (cf image 1). Cette antenne va envoyer la requête a un satellite en orbite autour de la Terre qui ensuite va la transmettre au COR. Le COR va ensuite utiliser l’internet classique pour traiter la requête. La réponse obtenue, elle effectue le chemin en sens inverse jusqu’à l’utilisateur.

Ce système permet d’avoir accès à internet dans les zones les plus déshéritées sans aucune installation terrestre complexe.

Image 1: Schéma système Starlink

Au moment de la création de Starlink l’internet par satellite est accessible au grand public depuis déjà une dizaine d’année mais, Starlink va réussir à se démarquer. En effet le principal changement se situe au niveau des satellites.

Chez les fournisseurs historiques (HughesNet et Viasat), ils sont placés en orbite géostationnaire à environ 36 000 km de la Terre. Cette altitude implique une latence très élevée (800ms en moyenne). Ces fournisseurs s’adressent principalement aux entreprises qui ne recherchent pas la performance mais la continuité de service. En effet s’il y a une rupture de câble majeure du réseau terrestre il n’y a rien à faire hormis attendre. Dans le cas d’une panne de satellite un autre peut prendre le relais quasi instantanément. Cela fait que ce service est principalement disponible dans des pays développés avec un coût très élevé par rapport aux performances d’une connexion terrestre classique.

Starlink lui a fait le choix de déployer ses satellites à “seulement” 500 km d’altitude en Orbite Terrestre Basse (OTB), pour donner un repère la station spatiale internationale est à 408km. La distance étant bien inférieure, la latence en est forcément réduite (60ms en moyenne). La contrepartie est que cette moindre altitude fait qu’un satellite couvre une surface beaucoup plus faible. La solution à ce problème est de déployer ce que l’on appelle des constellations de satellites. Ces constellations sont composés de plusieurs milliers de satellites dont les orbites se complètent pour pouvoir couvrir en permanence les zones visées là où auparavant il n’en fallait qu’une poignée. Starlink a mis son 6895ème satellite le 12 août 2024 en orbite et projettent de faire monter ce nombre jusqu’à 40 000.

Depuis d’autres entreprises se sont lancés dans l’internet par satellite en OTB comme Kuiper ou OneWeb mais, Starlink garde une longueur d’avance grâce à sa viabilité économique. En effet Starlink fait partie de SpaceX, une entreprise d’astronautique spécialisée dans le vol spatial. Grâce à leur modèle de fusée réutilisable Falcon 9, le coût de mise en orbite des satellites est très réduit que ce soit par la fiabilité du procédé ou les coûts d’assurances moins importants que les concurrents. Cela fait que le coût de lancement est de 500 000 $, en comparaison Kuiper est à 1,5 million (prévisionnel) et OneWeb à 2 millions.

De plus la production à plusieurs milliers d’exemplaires des satellites diminuent fortement les coûts à l’unité. Aucun chiffre officiel n’a été publié mais, le prix le plus probable d’un satellite Starlink est d’environ 400 000 $, en comparaison OneWeb est à 900 000 $ l’unité. Ces prix ne sont que des estimations sachant que dans le cas de Starlink les coûts vont continuer de baisser au fil des mois.

Performances (comparaison avec d’autres opérateurs)

L’internet par satellite malgré ces progrès ne peut pas à l’heure actuelle rivaliser avec des installations classiques terrestres, que ce soit en termes de débit ou de stabilité.

Débit

A la différence de l’internet terrestre, le débit de l’internet par satellite est extrêmement impacté par le nombre d’utilisateurs. Avec une densité d’un utilisateur tous les 10 km² (0,1 hab/km²) les débit descendants mesurés pour Starlink, Kuiper et OneWeb sont respectivement 25, 10,3 et 1 Mégabits par seconde. En France, les seules zones ayant cette densité sont les sommets des montagnes et la jungle amazonienne en Guyane. Ces chiffres montrent qu’il est pour l’instant impossible que l’internet par satellite puisse remplacer l’internet terrestre.

Stabilité

Pour ce qui est de la stabilité l’internet terrestre sera toujours supérieure car le satellite s’occupant de notre requête n’est pas forcément celui qui s’occupe de la réponse de par la surface couverte très faible de chaque satellite. Cela implique des perturbations mineures mais, tout de même présentes car il faut transférer la requête d’un satellite à un autre entrainant un rallongement du temps de traitement. De plus, les conditions météorologiques peuvent aussi influencer le réseau. Nous n’avons pas encore assez de recul pour connaître tous les cas possible mais d’or et déjà les pluies tropicales en Asie du Sud-Est perturbent énormément le trafic par satellite. Cela renforce l’idée que cette solution n’est pas universelle ni infaillible.

Comparaison avec les autres opérateurs

Par rapport aux opérateurs ayant des satellites géostationnaires la différence de performance est flagrante. Hughesnet et Viasat sont les deux principaux acteurs de ce segment. S’ils arrivent globalement à proposer un service comparable aux États-Unis et au Canada dans le reste du monde ils ne peuvent pas rivaliser (figure 3). Starlink arrive à fournir un service constant qu’importe le pays et surpassant même parfois les opérateurs terrestres comme au Nigeria par exemple. C’est là que la pertinence de l’internet par satellite OTB dans les pays en voie de développement s’exprime. Cependant il faut garder à l’esprit que les chiffres suivants sont des tests de vitesse et non une utilisation normale du réseau.

Pays M/D/L Starlink M/D/L Hughesnet M/D/L Viasat M/D/L terrestre
Canada 94 / 9,6 / 70 Pas de données 48,2 / 1 / 70 148,3 / 38,3 / 19
États-Unis 66,6 / 7,7 / 62 16,3 / 2,7 / 886 36,5 / 1,1 / 681 192,9 / 22,3 / 26
Mexique 56,4 / 8,5 / 97 13 / 3,1 / 815 24 / 1 / 739 50,5 / 19,7 /42
Brésil 70,9 / 14 / 75 9,4 / 2,1 / 869 14,4 / 1,4 / 685 100,4 / 76,7 / 18
Nigeria 61,8 / 11,2 / 57 Pas de données Pas de données 13,5 / 10,7 / 45

Dans le cadre plus resserré de l’internet par satellite hors orbite géostationnaire c’est le nombre de satellites, et par conséquence la densité de la constellation, qui est le principal facteur. Si aujourd’hui Starlink est l’opérateur ayant les meilleures métriques de l’internet par satellite hors orbite géostationnaire c’est car il a la constellation la plus dense avec presque 10 fois plus de satellites que OneWeb (630 satellites) par exemple. De plus OneWeb utilise des Orbites Terrestres Moyennes (OTM) lui donnant une latence moyenne de 90ms. Cela résulte du fait que Starlink vise les particuliers alors que OneWeb vise les entreprises notamment celles de l’internet des objets et que donc la latence est secondaire.

Starlink permet donc à partir d’un investissement relativement peu coûteux pour les clients (349€ de matériel et 40€ d’abonnement) d’avoir un accès internet à haut débit dans des lieux très inaccessibles (cf image 2). Pour l’instant c’est la seule solution grand public proposant des performances comparables à l’internet terrestre dans des lieux déshérités. La disponibilité de Starlink ne va cesser de croître en atteignant de plus en plus de pays (cf. Image 2).

Image 3: Carte disponibilité Starlink à travers le monde

Problèmes long termes

La généralisation de l’internet satellitaire pose trois grands problèmes: le coût économique, la pollution spatiale et la saturation de l’atmosphère.

Coût économique

Tout d’abord si les constellations de satellites permettent une très grande flexibilité de service cela implique un très fort coût de maintenance. Les satellites ont une espérance de vie de 5 ans seulement de par leur conception. En effet, pour qu’ils puissent ajuster leurs orbites du gaz compressé est utilisé et la capacité d’emport limite à 5 ans leur opérabilité. Début 2024 la première génération de satellite a été décommissionnée, progressivement leurs orbites se sont réduites jusqu’à ce qu’ils se désintègrent dans l’atmosphère. Cela veut dire que pour maintenir la constellation actuelle et la faire croître il faudra effectuer plusieurs lancements par an, chaque fusée Falcon 9 pouvant emporter 60 satellites. Avec un objectif de 40 000 satellites, Starlink devra être certain d’avoir un marché suffisamment grand pour que tous ces satellites soient rentables.

Saturation de l’espace

Ensuite il y a les problèmes spatiaux que cela engendre. En effet ces constellations de milliers, et dizaines de milliers à terme, d’engins spatiaux vont augmenter considérablement les risques de collisions que ce soit avec des d’autres satellites ou bien des engins spatiaux. En 2023 il y avait plus de 10 000 satellites en orbite autour de la Terre et les collisions étaient déjà un problème majeur. Ce nombre ne va cesser de grimper et les risque de collisions de satellites OTB avec.

Pollution de l’atmosphère

Enfin il y a la pollution de l’environnement. Lorsque les satellites sont décommissionnés, et qu’ils se désintègrent dans l’atmosphère, sous l’effet de la chaleur ils rejettent de l’oxyde d’aluminium dans l’atmosphère. Ces nanoparticules font monter en conséquence le taux d’aluminium et mettent en danger la couche d’ozone. En 2022 les rentrées de satellites dans l’atmosphère avaient fait augmenter le taux d’aluminium de 29,5% par rapport à la normale. A terme si tous les projets de constellations sont déployés ce taux pourrait atteindre 646% de plus que le taux naturel. Le plus insidieux est que entre le moment où ces nanoparticules sont rejetées et le moment où elles commencent à faire leurs ravages il y aura un délai de plusieurs années. C’est le temps nécessaire pour que ces déchets passent de la thermosphère (entre 95 et 500 km) à la stratosphère (entre 12 et 50 km) où se situe la couche d’ozone. De plus les nanoparticules d’aluminium ne sont qu’un exemple car il y d’autres éléments dans les satellites et que leurs compositions peut être amené à évoluer.

Conclusion

En conclusion, l’internet par satellite est un secteur en pleine expansion. Starlink a pris une longueur d’avance grâce à des atouts technologiques uniques. Ce secteur est pour l’instant le seul capable d’apporter un internet à haut débit dans des régions reculées. Néanmoins, son fonctionnement actuel et surtout son expansion implique beaucoup trop de problèmes en l’état. La saturation de l’orbite terrestre basse et la pollution de l’atmosphère seront un fardeau bien lourd en comparaison des avantages qu’apporte Starlink et ses concurrents. Les innovations technologiques pourront peut être améliorer ces points mais, pour l’instant le jeu ne semble pas en valoir la chandelle.

Bibliographie

1)Explique le concept de l’internet par satellite: https://www.satelliteinternet.com/resources/what-is-satellite-internet/

2)Test de vitesse Starlink et comparaison avec d’autres fournisseurs (2023): https://www.ookla.com/articles/starlink-hughesnet-viasat-performance-q1-2023

3)Présentation générale et problèmes de Starlink: https://www.slashgear.com/1361471/starlink-internet-how-it-works-explained/

4)Analyse poussée des performances de Starlink (2024): https://www.pure.ed.ac.uk/ws/portalfiles/portal/418127400/A_Multifaceted_Look_MOHAN_DOA23012024_AFV_CC_BY.pdf

5)Carte disponibilité Starlink, débit descendant, débit ascendant, latence: https://www.starlink.com/map

6)Problèmes environnementaux des décommissions satellitaires: https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2024GL109280

7)Plan économique de l’internet OTB: https://www.researchgate.net/publication/355224574_A_Techno-Economic_Framework_for_Satellite_Networks_Applied_to_Low_Earth_Orbit_Constellations_Assessing_Starlink_OneWeb_and_Kuiper